Bertrand Alliot est ingénieur-maître en gestion de l’environnement et docteur en science politique. Porte-parole de l’association Action Écologie et chroniqueur pour plusieurs magazines, il a publié Une histoire naturelle de l’homme en 2020.
Dans son dernier livre, il aborde un sujet qui préoccupe de plus en plus de citoyens : le discours alarmiste autour de l’écologie est-il un prétexte au recul des libertés individuelles ? En effet, l’idée domine que rien ne sera jamais suffisant pour « sauver la planète ». L’écologie ne se limite plus à un souci légitime pour l’environnement. Elle s’est investie d’une mission bien plus vaste : sauver la civilisation du désastre et donc assurer le « salut » de l’humanité. L’auteur explique qu’une telle ambition génère inévitablement de l’idéologie, voire des formes de religiosité, et inspire des politiques qui ne font pas consensus.
Comprendre l’incroyable écologie : analyse d’un écolo-traître, de Bertrand Alliot, est publié aux Éditions Salvator.
Actuamedia : Vous avez toujours travaillé dans le domaine de l’environnement, mais, il y a quelques mois, vous avez été victime d’une chasse aux sorcières pour avoir organisé un colloque sur l’écologie. Vous étiez à la direction d’une université, et le président a décidé de vous placardiser à la suite de vos positions qualifiées de climatosceptiques…
Bertrand Alliot : C’est absolument ce qui s’est passé. J’ai été démis de mes fonctions de direction à l’université, c’est incroyable. Je travaillais dans l’administration de l’université sans avoir de fonction liée à la politique éducative. C’est donc un délit d’opinion par rapport à ce que je raconte sur l’écologie en dehors de mes activités professionnelles. L’université est devenue l’empire du politiquement correct, de l’écologiquement correct, parce que ces questions ont pris une place très importante au fil des années. Si vous n’êtes pas dans la doxa, même en dehors de vos activités professionnelles, vous êtes puni.
Tout cela vous amène à faire un parallèle avec la religion : si on n’est pas dans la doxa, on est puni, on doit se repentir, on doit aussi respecter les grands prêtres, il y a même la question du salut…
On est dans cet aspect, car l’écologie développe beaucoup la question de la sobriété : il faut être sobre pour ne pas détruire la planète. On est dans la décroissance, c’est comme une religion, et c’est l’une de mes thèses. Il y a effectivement cet aspect mystique : l’écologie veut sauver l’humanité, puisque l’on nous affirme que la crise écologique va tout détruire. Donc, logiquement, on est dans le salut de l’humanité, de la même manière que les religions sont dans le salut de l’âme. L’écologie va naturellement produire de l’idéologie. D’ailleurs, je définis l’idéologie comme une religion sans Dieu.
Cet autoritarisme est-il aussi lié au fait que les racines de l’écologie sont à l’extrême droite, notamment sur la question de la pureté et du respect de la nature ?
Cela dépend de ce que l’on entend par écologie. Cette admiration pour la nature existe dans tous les camps. C’est vrai qu’à droite, on aime bien cet imaginaire autour de la pureté, ce n’est pas faux, mais il y a deux écologies qui s’opposent. Il y a l’écologie d’enracinement — certains diront l’écologie d’extrême droite, le terme importe peu — et, en face, l’écologie d’émancipation de la gauche, qui consiste à toujours relier les thèmes environnementaux à des marqueurs politiques. L’écologie de l’émancipation, c’est toujours associer l’écologie à la déconstruction : il faut toujours déconstruire les individus, on s’attaque aux racines, c’est ce qui a fait naître l’écologie de gauche. Pour moi, l’écologie est née au XIXᵉ siècle, quand on a eu l’intuition que jouer avec la nature allait nous jouer des tours en créant des rétroactions qui mettraient en danger les sociétés humaines. Donc, si on est en danger de mort, il faut une politique de salut public. L’écologie, c’est d’abord un diagnostic de crise ; c’est ensuite la mise en place d’une politique radicale, comme quand on est en guerre. Les écologistes veulent finalement une sorte d’état d’urgence.
N’est-ce pas une erreur que de vouloir politiser quelque chose qui devrait être naturellement au fond de chacun ? Par exemple, un marin ramasse naturellement une bouteille en plastique qui flotte… Un élu local s’oppose naturellement à un projet quand celui-ci risque de saborder l’âme de sa commune…
Il faut faire une différence entre l’environnement et l’écologie. L’environnement, c’est un mot que l’on n’utilise plus beaucoup, il a disparu. Avant, il y avait un ministère de l’Environnement ; aujourd’hui, c’est un ministère de l’Écologie, et c’est très significatif. L’écologie, c’est la nécessité de mener une politique radicale autour de deux thèmes : le climat et la préservation de la biodiversité. Ce sont les deux thèmes qui nourrissent le catastrophisme aujourd’hui. Tout ce qui concerne l’environnement, c’est la prise en compte des pollutions, des nuisances et des risques. Dans les médias, on ne nous parle que des sujets écologiques qui nourrissent le catastrophisme, notamment le climat et la biodiversité. En résumé, l’écologie, c’est l’affaire des fous qui croient à la fin du monde, alors qu’à l’inverse, l’environnement concerne tout le monde.
Vous vous définissez comme un « rassuriste » : qu’est-ce que cela signifie ?
C’est en opposition aux écologistes, qui sont des catastrophistes. Je ne pense pas que l’humanité va s’effondrer à cause des problèmes de climat ou de biodiversité. Je suis donc sorti de la matrice écologique pour être « rassuriste » et parler des problèmes d’environnement, c’est-à-dire des problèmes sérieux sur lesquels on peut agir. Il ne faut pas croire que l’on va réussir à modifier le climat avec nos petits bras, c’est impossible : on voit bien les résultats totalement nuls de nos gouvernants sur ces questions. On a dépensé des centaines de milliards sur ces histoires climatiques, et tout cela n’a donné absolument aucun résultat. Je pense que la catastrophe n’est pas à nos portes et j’essaie de le démontrer en critiquant les éléments de langage des écologistes. Je ne suis pas le seul : il y a aussi la géographe Sylvie Brunel, qui est attaquée là-dessus, mais aussi l’ancien ministre François de Rugy, ancien militant écologiste, devenu lui aussi un « rassuriste ».
Les pharaons faisaient des offrandes aux dieux pour faire changer le climat ; aujourd’hui, on crée des taxes et des impôts… N’est-ce pas de tous les temps que l’homme a voulu changer le climat ?
C’est exactement cela. C’est aberrant, on est vraiment dans le mystique. Pour comprendre l’écologie, il faut faire de l’anthropologie. Les sociétés humaines s’enferment dans des peurs complètement irrationnelles et finissent par faire n’importe quoi. Ce qui se passe n’est pas rationnel, c’est mystique ; il y a donc un côté religieux.
Aujourd’hui en France, il y a des gens qui perdent leur emploi simplement pour avoir dit cela…
Ce n’est pas faux. Il y a des sujets tabous, des choses que l’on n’a pas le droit de dire : les sociétés humaines doivent rester dans la parole officielle. Il y a toujours des individus qui ont un esprit un peu différent et qui ne voient pas les choses comme la foule. Les choses évoluent. Par exemple, sur l’immigration, on peut dire davantage de choses qu’autrefois. À l’inverse, il y a des sujets très difficiles, comme l’écologie, puisque je me suis fait virer de mon poste à l’université pour « mauvaise pensée écologique ». Récemment, j’ai été invité à la matinale de Radio Notre-Dame et, la veille de notre rendez-vous, j’ai été déprogrammé. Il s’avère que c’était à cause de mes positions « rassuristes ». Vous voyez bien que les tabous sont vraiment importants.
Vous terminez votre analyse en expliquant que les choses vont changer. Qu’est-ce qui vous incite à penser cela ?
Les mesures écologiques, notamment le Pacte vert européen, demandent des efforts absolument colossaux. Il faut atteindre la neutralité carbone en 2050 : cela signifie retourner dans la forêt très vite pour obtenir ces résultats, sinon ce sera impossible. Nous sommes donc dans une forme de décroissance. On assiste à une augmentation faramineuse du prix de l’électricité à cause de ces mesures écologiques délirantes. On a vu les Gilets jaunes sur la taxe carbone, on a vu les protestations autour des ZFE : tout cela est lié aux dérives écologiques. Cela pèse de plus en plus sur les citoyens et sur l’État, puisque cela représente des centaines de milliards d’euros, tout cela pour n’avoir aucun résultat. Aujourd’hui, nous sommes dans une crise financière très importante : l’État est endetté de façon vertigineuse, donc nous n’avons plus les moyens de mener cette politique écologique dispendieuse et délirante. C’est la nécessité qui va nous faire sortir de cette politique de peur et de catastrophisme. La situation géopolitique internationale va aussi nous obliger à en sortir. Ce que l’on voit arriver en Europe, ce sont de vraies crises, des crises qui se ressentent au quotidien, alors que la crise écologique est invisible. La crise financière, c’est autre chose : tout le monde la ressent immédiatement. Idem en cas de conflits armés. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il y a des problèmes environnementaux, mais il n’y a pas de crise écologique.
Pourquoi êtes-vous qualifié d’« écolo-traître » ?
C’est une idée de l’éditeur que de mettre ce sous-titre, parce que je me suis fait traiter d’« écolo-traître ». En tout cas, je critique l’écologie en disant qu’il faut revenir au sérieux de l’environnement. Aujourd’hui, dès que l’on prononce le terme « écologie », les gens se crispent.









