Charles Sannat est économiste et fondateur du site Insolentiae. Nombreux sont ceux qui apprécient ses décryptages de l’actualité économique.
Actuamedia : Les Français sont-ils prêts à accepter de nouveaux sacrifices, alors qu’ils ont déjà le sentiment de faire beaucoup d’efforts ?
Charles Sannat : Ce que je vais vous dire est très paradoxal. Il ne s’agit pas de dire que telle ou telle catégorie doit être punie davantage par rapport à une autre. Dans un pays qui prélève autant d’impôts, le débat que nous avons aujourd’hui ne devrait pas avoir lieu. Ce n’est pas l’échec des Français, mais l’échec des hommes politiques qui les dirigent depuis 50 ans. Cela doit être dit. Il y a suffisamment d’argent prélevé dans notre pays pour que l’on soit capable de ne pas être un pays du tiers-monde, avec des services publics dignes de ce nom et des finances publiques saines et maîtrisées. La population n’est pas heureuse, puisque nous sommes le pays qui consomme le plus d’antidépresseurs, et ce constat devrait déjà alarmer la classe politique. Notre pays est malheureux, les services publics s’effondrent et, en plus, nous sommes dans une situation financière qui est totalement hors de contrôle. Quand on est confronté à cela, il n’y a pas de secret : à un moment donné, il faut rationaliser la dépense. Certains disent qu’il faut supprimer les sénateurs, ou les voitures avec chauffeur, je veux bien, c’est l’exemplarité. Mais, quand bien même on supprimerait tout le Sénat, cela ne résoudrait pas le problème des 3500 milliards d’euros de dette. Le budget de l’État, c’est 300 milliards d’euros, et le budget de l’Éducation nationale c’est entre 60 et 80 milliards. Quand vous comprenez la gravité de la situation, vous voyez bien que le budget de François Bayrou est extrêmement modéré par rapport à ce que les Grecs ont connu. En Grèce, les pensions ont été baissées de 80 % depuis 2011, à travers un processus très progressif. Aujourd’hui, on parle simplement de ne plus augmenter les retraites, et non de les diminuer. Après, avec la suppression de l’abattement de 10 %, cela revient effectivement à baisser les retraites de nos concitoyens les plus fortunés au sens fiscal. Aujourd’hui, en Grèce, les gens travaillent six jours sur sept, avec un temps de travail de 48 heures et un SMIC à 850 €. Voilà la réalité d’un pays qui n’a pas fait faillite, la Grèce, qui est restée dans la zone euro et qui ne peut pas faire d’ajustements monétaires. Quand on ne peut pas dévaluer, l’ajustement ne peut être que fiscal ou social. De toute manière, il n’y a aucune solution miracle. L’argent magique n’existe pas. L’Argentine a connu la même chose, avec une très forte inflation depuis le début des années 2000. Or, cette crise économique semble aller nettement mieux depuis l’arrivée au pouvoir de Javier Milei. Il a fait la seule chose intelligente à faire dans ce contexte, à savoir la réduction de la complexité. Il a été très critiqué pour ses interventions avec la tronçonneuse. C’est le cirque médiatique, cela permet de l’identifier, mais lorsque vous retirez le côté spectacle, on s’aperçoit que c’est un homme qui a réduit la complexité.
Est-ce une priorité pour la France ?
Oui, il faut absolument réduire la complexité en France, parce que vous n’avez pas idée, au-delà même de la fiscalité, du coût caché de la complexité et des pertes d’opportunités liées à cette complexité. Cela rend les gens fous et les entrepreneurs n’entreprennent plus. Or, tout cela, c’est gratuit. Revoir nos normes, cela ne coûterait rien. Dans notre pays, le régime des auto-entrepreneurs fonctionne très bien. Vous avez le site de l’URSSAF, vous rentrez votre chiffre d’affaires dans une case, le calcul des charges se fait automatiquement, et on peut directement payer. On devrait s’inspirer de cet exemple. Aujourd’hui, pour écrire aux Impôts, vous devez vous connecter à votre espace, vous devez rentrer vos mots de passe, ensuite vous recevez un autre code par courrier, il faut attendre plusieurs jours, tout cela sans pouvoir se rendre au Centre des impôts. Pour demander un rendez-vous, il faut le faire par son espace client, mais la connexion est impossible. Il faut donner un immense coup de balai dans toutes ces normes qui asphyxient la totalité de l’économie. Cela va des ZFE aux DPE, en passant par les normes sociales et les normes de construction. Si, en tant que chef d’entreprise, vous voulez proposer un mi-temps, ce n’est pas possible, car il faut au minimum un contrat de travail de 24 heures. Pour protéger le gentil salarié, on interdit le temps trop partiel. Tout est à l’avenant. À force de tout protéger, on bloque tout. C’est comme pour le marché du logement.
Sommes-nous partis pour plusieurs années de récession ?
Les choses ne sont pas aussi mécaniques. Dans notre pays, on a oublié qu’il fallait faire de la politique pour les gens et avec les gens. La question est d’augmenter le gâteau, plutôt que de se partager un gâteau de plus en plus rachitique qui, en plus, a dépassé sa date limite de consommation. Sur cette notion de jours fériés, il faut bien reconnaître que la place du catholicisme s’est beaucoup amenuisée ces dernières décennies dans notre pays. Le lundi de Pâques, c’était pour que les familles puissent se retrouver. Aujourd’hui, beaucoup de nos concitoyens sont musulmans et le lundi de Pâques n’a pas une grande signification pour eux : alors, pourquoi ne pas créer un jour flottant en fonction du choix des gens ? Par exemple, tout le monde pourrait travailler le lundi de Pâques, nos concitoyens musulmans seraient très contents de venir travailler ce jour-là, ce qui permettrait aux catholiques de prendre ce jour férié. À l’inverse, les catholiques travailleraient normalement le jour de l’Aïd et ce serait un jour férié pour les musulmans. Ce serait une manière de garantir une certaine continuité de l’activité compatible avec la vie des gens, leur bonheur et le respect que l’on doit à chacun. Chacun doit avoir la possibilité de vivre son culte et de se retrouver en famille au moment où cela l’arrange. On pourrait aussi envisager la politique de cette manière et faire évoluer les choses de manière intelligente et bienveillante avec une vision constructive. Cela pourrait donner de la souplesse aux entreprises. Ce serait apaisant sur le plan social et cela permettrait aussi d’augmenter le niveau de bonheur et de concorde sociale dans notre pays. Il faudrait peut-être réfléchir sérieusement à tout cela. Aujourd’hui, on augmente les impôts pour financer l’inactivité et tout cela augmente la consommation d’antidépresseurs. Tout cela relève d’une absurdité sans nom.









