Une progression spectaculaire qui bouleverse les prix du marché et interroge la stabilité du système
L’Union européenne vient de franchir un jalon énergétique majeur. Sur les neuf premiers mois de 2025, près de la moitié de l’électricité produite dans l’UE (46,3 %) provenait des énergies renouvelables, selon les données consolidées à début octobre. Jamais cette part n’avait atteint un tel niveau.
Cette évolution s’appuie sur une montée en puissance continue du solaire (261 GW installés) et de l’éolien (225 GW), au détriment des centrales fossiles, désormais limitées à 28,6 % de la production. Le nucléaire représente pour sa part 25,1 % du mix électrique européen.
Le renouvelable tire les prix vers le bas
Si la décarbonation du mix européen est une bonne nouvelle pour le climat, elle s’accompagne d’effets de marché inédits.
« En 2024, la France a connu un nombre record d’heures à prix négatifs sur le marché spot, avec 361 heures dénombrées. En 2025, la barre des 368 heures a été dépassée, et ce nombre devrait encore croître », explique Édouard Lotz, analyste pour le cabinet de conseil en énergie Omnegy.
Ces épisodes de prix négatifs surviennent lorsque la production renouvelable (éolienne, solaire, hydraulique) excède la demande, notamment lors des week-ends ou des périodes de faible consommation. « La production solaire, combinée à l’éolien, est en grande partie responsable de cette révolution des prix », poursuit l’analyste.
Un signal complexe pour les acteurs du secteur
Derrière ce phénomène se cachent des réalités contrastées. Pour les grands consommateurs industriels, ces heures à prix négatifs peuvent constituer une opportunité ponctuelle. Mais pour les producteurs, elles représentent une perte financière.
Depuis mai 2025, l’État a d’ailleurs modifié les contrats d’obligation d’achat pour certaines filières, notamment les éoliennes en mer, en imposant aux opérateurs de suspendre leur production lorsque les prix deviennent négatifs, afin de limiter les distorsions de marché.
L’analyse d’Omnegy montre une corrélation directe entre la part de renouvelable et la baisse des prix spot : plus la production solaire et éolienne couvre la consommation, plus le prix de marché tend vers zéro, voire en territoire négatif.
« Cela signifie que le renouvelable est désormais capable de couvrir la majeure partie de la demande, mais aussi que le marché peine à valoriser cette électricité verte excédentaire », souligne Édouard Lotz.
Vers un nouvel équilibre du système électrique
La généralisation de ces épisodes devrait se poursuivre, à mesure que la capacité installée en renouvelable augmente. Mais cette dynamique, si elle traduit la réussite de la transition énergétique, n’est pas sans risque pour la résilience du réseau et la rentabilité du secteur électrique.
L’enjeu pour les années à venir sera de trouver un équilibre entre décarbonation, flexibilité du système, compétitivité des prix et juste rémunération des producteurs.
Cela passera par des investissements massifs : modernisation des réseaux, développement du stockage d’énergie, gestion intelligente de la demande et refonte des mécanismes de marché pour mieux valoriser la production renouvelable.








