Marc Touati est économiste, président du cabinet ACDEFI et conseiller économique d’eToro. Il dénonce une crise multiforme en France et des tentatives de censure le concernant.
Actuamedia : Vous êtes connu pour votre liberté de ton. Or, vous semblez en subir les conséquences aujourd’hui. Que se passe-t-il ?
Marc Touati : Malheureusement, je ne m’attendais pas à vivre cela en France ! Je fais ce métier depuis trente ans. J’ai l’habitude d’avoir des pressions, y compris de ministres et, parfois, on m’a même menacé de me virer quand je travaillais dans une banque il y a quelques années. Mais, heureusement, cela n’a jamais été suivi d’effets. Depuis quelques mois, c’est différent et le sort s’acharne. On a d’abord fermé mes comptes bancaires sans aucune raison, alors que cela fait quarante ans que je suis dans la même banque, et le directeur m’a téléphoné en me disant que la banque ne voulait plus travailler avec moi. J’ai demandé pour quelles raisons, parce que je n’ai jamais été à découvert et je n’ai jamais eu le moindre problème. Le droit bancaire autorise une banque à fermer vos comptes sans aucune raison. Heureusement, il y a d’autres banques. On a fermé mon compte personnel, le compte de mon entreprise et les comptes de mes enfants. Quelques semaines plus tard, il y a eu un contrôle fiscal sur mon entreprise, puis un contrôle fiscal personnel. Ensuite, il y a eu de nombreuses attaques sur mon site Internet. Maintenant, il y a de faux messages qui circulent sur les réseaux sociaux, avec mon image, parfois même des vidéos, mais c’est de l’intelligence artificielle, pour inciter les gens à acheter tel ou tel produit financier. Ce n’est absolument pas moi !
D’ailleurs, vos clients sont des professionnels et vous ne demandez jamais d’argent à des particuliers. Si l’on voit une publicité sur Facebook avec Marc Touati préconisant des investissements financiers, ce n’est absolument pas vous…
Je vends des conseils à des sociétés privées, c’est mon métier, mais je ne demande jamais d’argent à des particuliers. Il faut toujours signaler cela. J’ai recruté des informaticiens pour lutter contre cela. Il y a à peu près trois faux sites qui se créent chaque jour. J’ai contacté les dirigeants de Facebook et de WhatsApp, or ils me répondent qu’ils ne peuvent rien faire. C’est quelque chose de très opaque.
Facebook vous répond qu’il ne peut rien faire lorsqu’il s’agit de supprimer des contenus illégaux vous concernant. On les a connus beaucoup plus réactifs au moment du confinement ou de la vaccination !
C’est clair ! C’est complètement fou. Je dénonce un compte qui pirate mon image pour inciter des gens à faire des investissements opaques, or Facebook me répond que c’est un compte autorisé. Il se passe des choses vraiment bizarres. Maintenant, je ne vais pas évoquer les autres pressions que je reçois. C’est triste, je ne fais rien de mal, je suis indépendant, je ne suis pas un militant politique. J’ai simplement ma vision du monde et je commence à déranger. J’ai 260 000 abonnés sur ma chaîne YouTube, je suis invité sur de nombreux médias, donc je dois déranger… J’espère simplement que nous sommes toujours en France en 2025 et que nous ne sommes pas passés en URSS. D’ailleurs, je rappelle souvent cette phrase de George Orwell : « Dans une période de supercherie universelle, dire la vérité est un acte révolutionnaire. » Je précise enfin que je n’ai aucune tendance suicidaire.
Il y a toujours eu des conflits entre le pouvoir et les médias, par exemple l’affaire des faux plombiers au Canard enchaîné. François Mitterrand éprouvait une forme de respect à l’égard de ses opposants. Aujourd’hui, c’est différent, car on essaye réellement de « massacrer » les paroles divergentes…
C’est vraiment ce qui est triste. Je veux simplement le bien de mon pays. J’ai des recettes pour sortir mon pays de l’ornière. Cela fonctionne dans la plupart des pays dans le monde, mais on refuse toujours de les appliquer en France. Maintenant, je ne comprends pas pourquoi on essaye de nuire à ce point. J’espère que les choses vont se calmer, mais si cela doit continuer, évidemment j’irai ailleurs en attendant que cela se calme. Cependant, c’est la bonne nouvelle, cela veut dire que nous sommes dans le vrai et que nous dérangeons : car si ce que je disais n’avait pas de sens, on me laisserait faire… C’est sans doute parce que je suis dans le concret que je dérange. J’ai fait une grande émission de radio il y a quelque temps et le présentateur m’a raconté exactement la même chose. Il a fait une interview de l’ancien Premier ministre, François Bayrou, qui n’a pas aimé son ton, et cinq jours plus tard cette personne a eu un contrôle fiscal, alors qu’il est salarié… Donc, cela ne rapporte évidemment rien. C’est juste pour embêter la personne, pour lui mettre la pression. En ce qui me concerne, c’est évidemment pour m’impressionner. Je dois gérer cela, alors que mon épouse a des problèmes de santé. Il faut que cela s’arrête. Je pense que l’on peut encore sauver notre pays. Mais si l’on n’applique pas les bonnes mesures dans l’année qui vient, ce qui va nous arriver risque d’être compliqué et très grave. Je me donne un an avant de prendre des décisions plus extrêmes, comme quitter la France. Mais j’espère vraiment ne pas pas en arriver là. Aujourd’hui, il y a énormément de Français qui quittent la France. Mon discours est plus optimiste et je dis que nous avons encore une chance. Mais si, dans les semaines qui viennent, il y a encore des augmentations d’impôts, ce sera une hécatombe et la France sera vraiment au fond du trou.
Les médias subventionnés défendent l’idée de la taxe Zucman : qu’en pensez-vous ?
C’est l’effet inverse ! On essaye de faire taire les personnes qui défendent la vérité économique, mais le premier qui vient sortir une fake news, comme cette taxe, est reçu au journal de 20 heures de France 2 ! On présente cette taxe comme la solution miracle dans les médias publics. J’ai toujours été pour repenser le système de l’imposition française, qui est beaucoup trop complexe. Je suis pour une baisse draconienne des impôts, et aussi pour une baisse de la complexité fiscale pour éviter certaines optimisations. Évidemment, si vous baissez les impôts, les gens n’auront plus besoin de faire de la défiscalisation. C’est l’État qui a créé les processus de défiscalisation, en étant conscient qu’il y avait trop d’impôts. J’ai souvent fait des débats face à des gens comme Éric Coquerel, Sandrine Rousseau ou Thomas Piketty. Ils sont dans un autre monde Ce sont des économistes de salon qui ne sont pas au contact de la réalité. Tous ces gens ignorent comment fonctionne une entreprise. Quand on nous explique que l’on peut taxer 2 % du patrimoine financier du chef d’entreprise, en fonction du cours de son action, ce n’est pas réaliste, puisque le cours d’une action est fluctuant. Cela veut dire que, pour payer ces 2 %, ils vont devoir vendre ! Le monde entier fait exactement l’inverse. Ensuite, en Suède, un gouvernement socialiste a supprimé l’impôt sur la fortune, parce qu’il y avait trop de Suédois qui quittaient le pays. Nous sommes tous d’accord pour améliorer le fonctionnement de l’impôt, mais, pour cela, il faut le réduire. Dans le même temps, ces gens veulent encore augmenter la dépense publique, alors que nous sommes le pays le plus taxé au monde… Donc, rien ne colle. C’est la définition de la folie d’Einstein : la folie, c’est faire exactement la même chose en espérant que le résultat sera différent. Les dirigeants français ont alimenté l’inculture économique pour pouvoir faire ce qu’ils veulent afin que l’on ne puisse pas voir la réalité. Les Français commencent à être conscience de cela. Je rappelle souvent que je viens des cités HLM d’Orly et, à l’époque, les dépenses publiques représentaient 48 % du PIB, or j’ai quand même réussi à m’en sortir. Aujourd’hui, nous en sommes à 57 % et le taux de chômage des moins de 25 ans dans les cités HLM est de 60 %. C’est la preuve que l’augmentation de la dépense publique n’est pas la solution. C’est pour cela qu’il faut un grand soir fiscal. Les dirigeants du PS veulent encore augmenter les impôts et la dépense publique, alors que l’on sait très bien que cela ne marche pas. On sait bien que ce ne sont pas les riches qui vont payer, mais la classe moyenne qui ne pourra pas partir. Ce sera une catastrophe pour l’économie. Il y a aussi la question du consentement à l’impôt qui vole en éclats. On est prêt à payer des impôts, mais en échange on demande des résultats, comme de la croissance, une stabilité économique et une baisse de la pauvreté. Actuellement, c’est exactement l’inverse qui s’opère. La croissance est quasi nulle, les inégalités augmentent, la pauvreté aussi… C’est bien la preuve que cela ne fonctionne pas. J’entends de plus en plus de gens qui ne veulent plus payer leurs impôts et cela devient très dangereux car nous sommes à l’aube d’une crise sociale. Maintenant, la dernière idée, c’est de toucher à l’épargne… Alors, cela ferait vraiment très mal !
Beaucoup de gens ignorent la courbe de Laffer qui se vérifie partout : quand on augmente trop les impôts, à partir d’un certain seuil, les recettes fiscales baissent et, à l’inverse, lorsque l’on baisse les impôts, les recettes fiscales augmentent. Ils pensent sincèrement qu’il faut augmenter les impôts pour donner plus de moyens aux hôpitaux. Que leur dites-vous ?
Il y a une quinzaine d’années, les frais de fonctionnement des hôpitaux étaient de l’ordre de 10 %. Cela signifie que l’essentiel des frais allait à la médecine, donc à la rémunération des infirmiers ou des médecins. Il y avait très peu de frais de fonctionnement. Aujourd’hui, nous en sommes à 30 % de frais de fonctionnement. Cela veut dire que l’argent est mal utilisé. Dans la dépense publique, les dépenses de fonctionnement ont augmenté de 22 %, alors que les dépenses sociales ont augmenté de 12 %. Tout cela n’est pas sérieux. Il faut expliquer les choses et les Français commencent à comprendre car le monde est libre et ouvert. Il faut s’informer au-delà des chaînes publiques. En Italie, on nous a expliqué que ce serait la catastrophe. Mais le gouvernement a baissé la dépense publique, l’économie a redémarré, et maintenant on assiste à une baisse des impôts. C’est la même chose en Argentine. Une centaine d’économistes ont écrit que si Milei arrivait au pouvoir, l’Argentine deviendrait un pays du tiers-monde. Aujourd’hui, l’inflation a baissé, la croissance est à 7 %, et la pauvreté a baissé… On finira par l’emporter et c’est justement ce qui fait peur à nos dirigeants. Les Français n’en peuvent plus, le climat est catastrophique et les fins de mois sont difficiles. Nous atteignons un sommet historique de défaillances d’entreprises, avec des chefs d’entreprise qui vivent avec moins que le SMIC. Je pense vraiment que nous sommes à la fin du film. On va toucher le fond de la piscine. Donc, il va falloir réagir.
Justement, en cas d’élections législatives anticipées, beaucoup de Français ne savent pas pour qui voter, car aucun parti politique n’affiche clairement une ligne de réduction des dépenses publiques. Qu’en pensez-vous ?
Il y a des solutions. Je ne suis pas encore candidat, mais je propose des solutions…
Serez-vous le Javier Milei français ?
J’ai deux solutions. La première serait de prendre ma retraite anticipée et de me reposer au soleil avec ma femme. Mais je suis encore jeune, j’ai 54 ans, et je me dis qu’il faut faire quelque chose pour mon pays. Or, c’est très dangereux : regardez la vague de suicides en ce moment ! Pour tout vous dire, ma femme est contre. J’ai de la peine parce que j’aime mon pays. Je rappelle que la France est une puissance nucléaire et on va laisser l’arme nucléaire entre les mains de gens que l’on ne connaît pas. 54 % de la dette publique française est détenue par des étrangers. Avant, on avait les chiffres. Aujourd’hui, on ne sait plus, c’est un secret total. Cela m’inquiète, car nous perdons notre souveraineté. Les dirigeants français savent qui est derrière, nous sommes dépendants de ces personnes.









