Au troisième trimestre 2025, la dégradation de la trésorerie et du moral des dirigeants inquiète les économistes
Le troisième trimestre 2025 confirme l’essoufflement du tissu économique constitué par les très petites entreprises (TPE). Selon le dernier baromètre du Syndicat des indépendants et des TPE (SDI), réalisé auprès de 1 608 dirigeants, les signaux sont au rouge sur tous les plans : activité en baisse, trésoreries fragilisées, confiance en berne et épuisement généralisé. Un constat qui souligne la vulnérabilité persistante de ce segment pourtant central pour l’emploi et la croissance française.
Un moral au plus bas, reflet d’un climat d’incertitude
Jamais depuis la création du baromètre, il y a deux ans, les dirigeants n’avaient exprimé un tel pessimisme. 92 % des répondants se déclarent inquiets pour leur avenir économique, un record absolu.
Cette perte de confiance s’accompagne d’une précarité persistante : près d’un dirigeant sur deux déclare percevoir un revenu inférieur au SMIC, tandis que 53 % se disent mentalement épuisés.
Selon le SDI, ce désarroi traduit moins une crise ponctuelle qu’un phénomène d’usure structurelle, lié à la hausse des coûts, à la complexité administrative et à la contraction de la demande.
Recul de l’activité et trésoreries exsangues
Les données du troisième trimestre confirment la fragilité du modèle économique des TPE. 59 % d’entre elles constatent une baisse de leur chiffre d’affaires, et 55 % rencontrent des difficultés de trésorerie.
Le ralentissement de la demande touche tous les secteurs : 81 % des dirigeants notent une baisse du panier moyen dans les activités B2C (commerce et services aux particuliers) et 83 % un recul des commandes B2B. Pour le SDI, ces chiffres traduisent une érosion du pouvoir d’achat des ménages et un climat d’attentisme des entreprises clientes, dans un contexte de croissance molle et de taux d’intérêt élevés.
Crédit : la prudence bancaire s’installe
La contraction de l’activité s’accompagne d’une forte baisse de la demande de crédit, passée de 26 % au deuxième trimestre à 19 % au troisième. Les conditions d’accès restent correctes pour les crédits d’investissement (93 % d’acceptation), mais se dégradent pour les crédits de trésorerie, dont seuls 74 % sont accordés, un niveau parmi les plus faibles observés depuis 2023. Cette prudence des établissements bancaires, combinée à la fragilité financière des TPE, accentue les tensions sur la liquidité et freine les investissements de modernisation.
Un marché du travail quasi à l’arrêt
L’emploi dans les TPE demeure atone : seulement 12 % des entreprises ont recruté au troisième trimestre, contre 14 % au trimestre précédent. Les difficultés de recrutement restent structurelles : pénurie de main-d’œuvre qualifiée, manque de motivation des candidats, poids des charges sociales. Le SDI souligne que ce blocage freine la reprise et risque d’alimenter un cercle vicieux : sans perspectives de croissance, les entreprises n’embauchent pas, et sans emplois, la consommation reste déprimée.
Climat social : défiance et tension accrue
Le baromètre met aussi en lumière une dégradation du climat social. 84 % des dirigeants déclarent être confrontés à des arrêts maladie, et estiment qu’au moins 10 % d’entre eux seraient abusifs.
Cette situation alimente un sentiment de défiance vis-à-vis du système social.
Par ailleurs, 67 % des chefs d’entreprise désapprouvent la récente jurisprudence de la Cour de cassation qui accorde des congés payés pendant les arrêts maladie, perçue comme une nouvelle contrainte pour les petites structures.
Un signal d’alerte pour l’économie française
Les très petites entreprises représentent plus de 95 % du tissu économique français et emploient près de trois millions de personnes. Leur fragilisation prolongée pourrait peser sur la croissance, l’investissement local et l’emploi non délocalisable.
« Ce baromètre illustre un malaise profond, social avant d’être seulement économique », souligne le Syndicat des indépendants et des TPE.
Pour le SDI, il devient urgent de repenser les politiques publiques de soutien aux petits entrepreneurs : allégement des charges, simplification des démarches et rétablissement de la confiance avec les banques et les institutions.
En toile de fond, cette enquête traduit le risque d’un ralentissement diffus mais durable du tissu productif français. Les TPE, maillon de proximité essentiel à la vitalité économique, tirent une nouvelle fois la sonnette d’alarme — sans être certaines d’être entendues.









